La libération du Sundgau: Dimanche 19 novembre 1944

Extrait du livre « Le Sundgau se souvient »

« Trois groupements tactiques furent mis en place au départ de Courtelevant dans le territoire de Belfort.
A savoir :
Le groupement N°1 LEPINAY qui prit la direction de Lepuix neuf, Ueberstrass, Friesen.
Le groupement N°2 GARDY, avec le lieutenant de Loisy à leur tête, qui fonça sur Seppois, Bisel, Feldbach, Riespach, Waldighoffen jusqu'au Rhin à Rosenau.
Le groupement N°3 DEWATTRE, sous les ordres du commandant Dewattre, pénétra en Alsace par Pfetterhouse, vers midi. La population  accueillit les libérateurs avec enthousiasme. Les chars traversèrent le village et franchirent la Largue à 12h10. Peu après le char « Tours » sera détruit par une Panzerfaust. La progression à travers les lignes ennemies n'était pas une mince affaire. Les fantassins de la Wehrmacht étaient tous équipés de Panzerfaust, une arme antichar très efficace. A 13h30, le Colonel Caldairon donne l'ordre au groupement Dewattre de ne pas dépasser Moernach en raison des difficultés que trouvèrent les deux autres groupements. Moernach sera atteint et nettoyé à partir de 16h00. »

CartePremières pénétrations des groupements en Alsace

Dans notre village de Durlinsdorf, on entendait au loin les détonations. " Sie kemma, sie kemma !", " ils viennent, ils viennent ! ". A ce moment là plusieurs jeunes du village se précipitèrent à la mairie, jetèrent tous les papiers administratifs allemands par la fenêtre et les allumèrent dans la cour de l'école. Puis une rumeur se propagea, "ils reviennent, les allemands sont de retour ". De suite nos jeunes gens se cachèrent en forêt et dans les grottes derrière le Kleeberg.
Notre village, heureusement, n'a pas été la cible d'affrontements, nous sommes restés à l'écart des axes de combat pour la libération et certaines familles sont venues se réfugier chez nous.
(Ci-dessous les témoignages de Mme Kohler Louise et Mme Martin Françoise.)
Aussi à Durlinsdorf nous n'avons pas été libérés par le passage de la Première Armée Française mais officiellement le 20 novembre 1944.
Mais pendant ces années sombres, sous le joug des nazis, notre village a eu son lot de souffrances par ses victimes de guerre, ses déportés, ses Malgré-Nous, ses réfugiés en Suisse,ses réfractaires, une période de notre histoire qu'il reste à compléter par vos témoignages, vos photos, afin que nos futures générations se souviennent et ne l'oublient pas.

Témoignage de Mme KOHLER Louise

Louise Kohler avait 23 ans à l'époque et habitait avec ses parents dans le haut de Seppois-le-Bas. "Notre maison était la première du village, à droite en venant de Delle". Depuis là-haut on entendait distinctement et depuis plusieurs jours des bruits de bataille venant du Territoire de Belfort.

"Le samedi soir quelqu'un est passé en disant que le lendemain matin nous redeviendrons français car les libérateurs arrivaient!". Entendant cela l'Ortsgruppenleiter, un Seppoisien que les Allemands avaient mis en place pour maintenir l'ordre, quitta précipitamment le village,"où on ne le revit jamais".

Le dimanche matin, il pleuvait et tout était encore calme. Louise se rendit à la messe.

Au retour, les bruits s'étaient rapprochés et on nous conseilla de quitter notre maison, la plus exposée. Vers 10h30/11h les premiers chars sont arrivés. Certains d'entre nous s'étaient planqués dans le jardin. Les soldats nous ont vus mais un officier a crié :"Attention, ce sont des civils! ". Dans sa jolie robe rouge Louise avait bien sûr attiré l'attention! "Soudain un canon anti-char tira sur le premier blindé français et le détruisit. Deux de ses occupants furent tués". Ce fut le seul tir de ce canon allemand. Il pleuvait toujours.

Finalement nous retournâme chez nous. Devant l'étable, je tombai nez à nez avec un noir armé d'un bazooka. Quelle frayeur! Puis un autre soldat me mit en joue avec son fusil. Je m'approchai de lui en criant bravo et en l'applaudissant. Je lui fis même la bise!

PhotoLibération de SeppoisLibération de Seppois-le-basle 19 Novembre 1944

"On transforma ensuite notre maison en infirmerie pour soigner les blessés avant de les évacuer vers Delle; notamment notre voisin à qui sa belle-soeur et moi-même rendrons ensuite visite tous les deux jours à vélo quelle que soit la météo". (Il faisait froid et il arriva même qu'il neige). Les Marocains s'étaient installés au préventorium avec leurs mulets. Plusieurs bêtes périrent lors des combats. Quant aux garde-frontière, ils se rendirent sans trop résister.

Louise ne descendit pas jusqu'au centre du village durant la journée; "mais je suis allée à la messe du soir", dit-elle. Quand les Allemands revinrent le surlendemain pour une contre-offensive, Louise et les siens partirent pour Beurnevesin (Suisse) où ils restèrent une journée. De là ils se rendirent à Durlinsdorf chez les parents de son futur mari et trouvèrent refuge dans la maison qu'elle a habité sa vie durant.

"Lorsque nous retournâmes à Seppois nous retrouvâmes notre maison sale et en désordre et certaines choses avaient disparu notamment un drapeau tricolore que nous avions caché". Deux semaines plus tard, les américains s'inslallèrent au préventorium, transformé en dépôt. Ils n'eurent pas beaucoup de contact avec la population.

De cette période difficile Louise retient surtout que:"C'est dans de tels moments qu'on apprend à connaitre vraiment les gens". Elle n'en dira pas plus mais son silence est éloquent.

Propos recueillis par Jean-Pierre Roth pour le compte du Quotidien les Dernières Nouvelles d'Alsace.

 Témoignage de Mme Françoise Martin

"Ils reviennent!"

"Mais deux jours plus tard (le 21 novembre donc), une rumeur enfla rapidement:"les Allemands sont de retour !"; Comme près de la moitié des habitants, nous prîmes la route de Beurnevesin (Suisse). Partis à quatre sur une charrette à plateau, nous avons terminé notre voyage avec un plein chargement. A Beurnevesin, les Suisses nous ont ouvert la frontière sans difficulté et nous nous entassâmes dans l'église. Le lendemain, nous repartîmes chez nous, rassurés.

C'est alors que les Allemands lancèrent leur contre-attaque pour barrer la route de Delle. Le fracas des armes reprit donc. Avec mes enfants et des membres de mon entourage, nous partîmes nous réfugier à Durlinsdorf. Le reste de la famille préféra garder la maison et les bêtes. Nous sommes restés près d'une semaine chez le boucher Ley".

D'après le bulletin communal de mai 2013.